Appel à communications
Chères doctorantes et chers doctorants,
Nous avons le plaisir de vous transmettre ci-dessous (en PDF ci-joint) le texte d’Appel à communications de la Journée de l'École Doctorale Sciences Humaines et Sociales - Perspective européenne (ED 519), qui se déroulera le 22 mars 2022 à l’Université de Strasbourg, sur le thème de (ou des) « Mémoire(s) ». Cet appel à communications s’adresse aux jeunes chercheuses et chercheurs rattaché.e.s à l’ED 519, en doctorat ou ayant récemment soutenu, travaillant sur des thématiques en lien avec la mémoire.
Les personnes intéressées sont invitées à envoyer leur proposition de communication avant le 10 janvier 2022 à l’adresse jedshspe@gmail.com. Toute proposition de communication en lien avec le thème de « Mémoire(s) », abordé au prisme de toute discipline des Sciences Humaines et Sociales, est la bienvenue. Les communications retenues prendront la forme d’un exposé d’une vingtaine de minutes.
Vous trouverez davantage d’informations dans l’appel à communications en pièce jointe.
En vous remerciant par avance pour votre participation.
Bien à vous,
Eglantine Cussac
Pour le Comité d’organisation de la Journée de l'ED SHS-PE « Mémoire(s) »
Mémoire(s)
Proposer une journée d’études autour des « Mémoire(s) » peut sembler ambitieux, tant ce thème a déjà fait l’objet de travaux nombreux émanant de toutes les disciplines scientifiques, en particulier des Sciences Humaines et Sociales (SHS). Or, la persistance d’enjeux mémoriels questionne actuellement la notion de « mémoire collective » et celle, plus récente, de « mémoire partagée ». De même, les initiatives individuelles qui visent à rassembler dans un texte littéraire les bribes de mémoires de proches atteints de la maladie d’Alzheimer, soulignent l’importance des questionnements sociaux actuels autour de cette maladie, ce qui justifie un retour sur le dossier.
La mémoire est en premier lieu un processus biologique qui permet de stocker et de restituer des informations venant d’expériences et d’événements divers, de les conserver et de les restituer. A ce titre, elle fait l’objet de recherches en biologie, en neuropsychologie et en médecine, avec notamment une entrée par ses troubles. Ceux-ci, provoqués par des facteurs divers (apnée du sommeil, maladie d’Alzheimer, vieillissement, etc.) suscitent, en tant que phénomènes de société dans des pays développés et vieillissants, un vif intérêt de la recherche qui s’appuie sur des expertises fondées sur un dialogue pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie, neuropsychologie, disciplines médicales, etc., mais aussi SHS s’en emparent.
En effet, dès leur naissance à l’orée du XXe siècle, les sciences humaines et sociales se sont saisies de l’objet « mémoire » pour souligner sa dimension éminemment construite et son caractère évolutif : il est évident que la mémoire n’est pas un appareil photographique qui donnerait une image fidèle et objective du passé. Ainsi, l’appareil psychique modélisé par Freud laisse une place centrale au rôle de la mémoire et de la remémoration, en distinguant plusieurs strates de mémoires ; les études sociologiques, dans le sillage des travaux de Maurice Halbwachs, n’ont de cesse de souligner combien la mémoire individuelle, consciemment ou non, opère toujours une sélection selon des biais sociaux ou cognitifs [Halbwachs, 1925]. Toute une dimension inconsciente de l’apprentissage (notamment chez les enfants) est appréhendée au prisme de la notion de mémoire : disposition transmise par la famille, l’habitus bourdieusien est ainsi mémoire incorporée d’une pratique socialement située [Bourdieu, 1972].
Si la mémoire est bien un objet interdisciplinaire ancien, qui concerne l’ensemble des sciences humaines et sociales (anthropologie, histoire, psychanalyse, psychologie, sciences de l’éducation, sociologie, architecture, etc.), l’actualité nourrit, depuis le début des années 2000, un regain d’attention envers les processus de construction de récits mémoriels collectifs. De fait, la mémoire possède à la fois une dimension individuelle et collective, en ce qu’elle désigne tant la capacité d’un individu que celle d’un groupe constitué de se souvenir de faits passés et de leur donner sens. La mémoire, individuelle ou collective, est toujours tributaire d’un travail de mise en récit, sélectionnant les éléments permettant de répondre aux questions du présent [Ricœur, 2000].
Ainsi, c’est bien parce que le patrimoine architectural et l’héritage culturel sont réappropriés et construits socialement comme supports matériels d’une mémoire collective qu’ils peuvent constituer un pan essentiel de la mémoire des sociétés. Les contributions pourront s’attacher à faire émerger ces processus d’appropriation mémorielle de lieux ou d’objets culturels. En s’appropriant la mémoire comme objet d’histoire, les historiens soulignent que les phénomènes mémoriels au sein d’une société servent davantage à fonder un lien et une identité commune qu’à restituer fidèlement le passé dans une démarche réellement historienne [Nora, 1984].
C’est dans ce cadre que des mémoires divergentes, voire des conflits de mémoire, peuvent émerger, particulièrement autour d’évènements traumatiques ou de grandes souffrances subies, au premier chef desquels guerres, génocides, réduction en esclavage. Ce mécanisme oppose d’abord des groupes dépositaires de mémoires collectives divergentes : hommes et femmes, « jeunes » et « vieux », riches et pauvres, malades et bien portants, etc. Entre mémoire individuelle et collective ensuite : un individu peut reprendre à son compte et combiner à sa façon des éléments de différentes mémoires collectives, en les approuvant ou, au contraire, en les contestant. Les contributions pourront ainsi étudier les mécanismes d’invisibilisation, de revendication, de négociation ; les stratégies de visibilité ; les questions juridiques autour de lois mémorielles, qui tous concourent à l’établissement d’une mémoire commune… ou de mémoires qui, au contraire, restent clivées et plurielles.
A partir des recherches en cours des doctorants de l’ED Sciences Humaines et Sociales - Perspectives européennes, la Journée doctorale « Mémoire(s) » entend interroger la diversité des paradigmes à partir desquels les disciplines des SHS appréhendent actuellement la question de la ou des mémoire(s). Les communications retenues auront ainsi le souci de décliner la notion de mémoire à partir d’un terrain et d’une discipline de SHS donnés, tout en invitant au dialogue interdisciplinaire.
Modalités de candidature
Les personnes intéressées sont invitées à envoyer avant le 10 janvier 2022 une proposition d’intervention comprenant :
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Nom et prénom, unité de recherche, coordonnées mail ;
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Une brève présentation académique de l’intervenant.e ;
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Une présentation de 2 500 signes maximum (espaces compris) comportant le titre et le contenu de la communication envisagée ;
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Une bibliographie indicative relative à la proposition d’intervention (5 à 10 titres).
La proposition sera transmise par mail à l’adresse jedshspe@gmail.com. Le fichier devra être au format docx, odt ou pdf, et le titre du fichier devra être présenté sous la forme NOM_Prénom_Discipline_JE2022.
Bibliographie indicative
Alcock S. E., van Dyke R. M., Archaeologies of Memory, Blackwell Publishing, 2003.
Bergson H., Matière et mémoire, Paris, Flammarion, 2012.
Bourdieu P., Esquisse d’une théorie de la pratique, Genève, Librairie Droz, 1972.
Candau J., « Modalités et critères de la mémoire partagée », in La mémoire à l’épreuve de l’interdisciplinarité. Vers une nouvelle approche de récits mémoriels ? – XVe-XXIes., mai 2019, Aix-en-Provence, France.
Connerton P., How societies remember, Cambridge University Press, 1989.
Eustache M.-L., Conscience, mémoire et identité. Neuropsychologie des troubles de la mémoire et de leurs répercussions identitaires, Dunod, 2013.
Erll A., Nünning A., Cultural memories studies: An International and Interdisciplinary Handbook, de Gruyter, 2008.
Gensburger S., Essai de sociologie de la mémoire : le cas du souvenir des camps annexes de Drancy dans Paris, Genèses, 2005/4 (no 61), pp. 47-69.
Fabréguet M., Henky D. (dir.), Mémoires et représentations de la déportation dans l’Europe contemporaine, Paris, L’Harmattan (coll. Inter-National), 2015.
Halbwachs M., Les cadres sociaux de la mémoire, Paris : Librairie Félix Alcan, Première édition, 1925.
Halbwachs M., La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997 (Première édition) PUF, 1950.
Lavabre M.-C., « Usages de l’histoire, usages de la mémoire », Revue française de science politique, n° 3, 1994, pp. 480-492.
Lavabre M.-C., « Paradigmes de la mémoire », Transcontinentales, 5 | 2007, pp. 139-147.
Ledoux S., « La mémoire, mauvais objet de l’historien ? », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 133, no. 1, 2017, pp. 113-128.
Lieury A., Psychologie de la mémoire. Histoire, théories et expériences, Dunod, 2021.
Nora P. (dir.), Les Lieux de mémoire, Gallimard, 1992.
Peschanski D. (dir.), Mémoire et mémorialisation. Volume 1 : De l’absence à la représentation, Éditions Hermann, 2013.
Ricœur P., La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Édition du Seuil, « Points Essais », 2000.
Rousso H., Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Édition du Seuil, « Points Histoire », 1987.
Stora B., La gangrène et l’oubli : la mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 1991.